Projet invité

2025

Un dialogue imaginaire

Claude Cahun, utilise l’autoportrait comme un moyen d’explorer les limites de l’identité de genre, du corps et du moi. Son travail photographique, souvent réalisé en collaboration avec sa compagne Marcel Moore, met en scène un « je » mouvant, insaisissable, qui refuse les catégories fixes. L’intimité, chez Cahun, n’est pas une sphère privée figée mais un espace de réinvention, de travestissement, d’ambiguïté. Elle se photographie travestie, androgyne, parfois fragile, parfois provocante, brouillant constamment les repères entre intérieur et extérieur, public et privé.

Cindy Sherman, faisant hommage à Cahun au début de sa carrière, poursuit une recherche similaire mais avec une approche différente. Dès les années 1970, elle se photographie dans des mises en scène où elle incarne des stéréotypes féminins issus du cinéma, de la télévision ou de la publicité. À travers ses séries, elle questionne la fabrication de l’identité sociale et médiatique. Contrairement à Cahun, Sherman efface sa propre intimité en incarnant des rôles, des masques, des personnages. Pourtant, cette distance crée une forme d’intimité paradoxale : en ne montrant jamais qui elle est réellement, elle révèle la multiplicité des façades que chacun adopte dans sa vie. Sherman interroge la construction culturelle du féminin, la façon dont l’intime devient un produit visuel, souvent codé, normé.

Toutes deux travaillent donc l’intimité comme un terrain de jeu mais aussi de résistance. Pour Cahun, il s’agit d’une intimité vécue et offerte comme une énigme poétique et politique. Pour Sherman, c’est une intimité dissoute dans l’artifice, mise à distance pour mieux la déconstruire. L’une brouille les frontières de son identité réelle, l’autre les efface derrière des masques. Ainsi, Cahun et Sherman, chacune à leur manière, redéfinissent l’intime : non pas comme une vérité intérieure à dévoiler, mais comme un espace de métamorphose où le regard — surtout celui de l’autre — est toujours convoqué, interrogé, déplacé.

Là où Cahun déconstruit le regard patriarcal à travers des mises en scène énigmatiques, Sherman utilise le langage visuel de la publicité et du cinéma pour montrer comment l’image de la femme est façonnée — et objectivée — par les médias. Les deux artistes dénoncent, chacune à leur manière, la standardisation de l’identité et du corps féminin. Le travail de Cahun est aujourd’hui considéré comme une référence essentielle dans l’histoire des pratiques performatives de l’autoportrait — et Sherman figure parmi celles qui en ont prolongé l’élan critique.

Photographe et écrivaine surréaliste née en 1894 à Nantes et morte en 1954 à Jersey, Claude Cahun est une pionnière de l’autoportrait. Militante et avant-gardiste, elle explore les questions d’identité et de genre en se mettant en scène sous des formes multiples, mêlant travestissement et ambiguïté, brouillant les frontières entre masculin et féminin.

Photographe et plasticienne américaine née en 1954 dans le New Jersey, Cindy Sherman interroge l’identité, le genre et les rôles sociaux à travers des autoportraits fictionnels. Par le biais du travestissement et de la mise en scène, elle déconstruit les stéréotypes sociaux et culturels, créant des personnages qui interrogent les normes et les attentes imposées par la société.

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