Pilar Rosado
Pilar Rosado est artiste et chercheuse, conférencière Serra Húnter à la faculté des beaux-arts de l'université de Barcelone. Diplômée en biologie et docteur en beaux-arts, elle est membre de divers projets R&D (recherche et développement) ; son travail a été exposé en Italie, France, au Portugal, Mexique, en Hollande, au Brésil, en Espagne et Pologne. Elle a publié divers essais sur l'application de modèles de vision artificielle pour l'analyse de grandes collections d'images d'art abstrait, qui offrent des points de vue alternatifs dans la réflexion et qui remettent en question les conventions de notre regard.
Dans sa pratique artistique, elle explore des enjeux politiques qui peuvent être abordés à partir de l'image et qui impliquent des technologies d'apprentissage automatique, telles que la gestion de l'information dans les archives visuelles du futur, la révision de la mémoire collective ou la créativité artificielle. En 2015, elle a reçu une bourse de l'Agence pour la gestion des bourses universitaires et de recherche (gouvernement de Catalogne) et a remporté en 2020 la quinzième édition du prix AR-CO-BEEP Electronic Art.
Elle s'intéresse au terrain sur lequel la technologie et la pratique de l'art coïncident car ce sont des lieux fertiles pour la recherche sur les liens entre la matière, la perception et la pensée. L'image numérique est le territoire sur lequel elle déploie son projet artistique. En plus de refléter un instant de temps immobile, l'image numérique nous offre sa matrice de pixels comme source de matière à modéliser pour représenter une réalité en métamorphose permanente.
Déjà-Vu
par Joan Fontcuberta & Pilar Rosado
Les Franciscaines
Lorsque la caméra et l’œil commencent à être remplacés par les algorithmes et l’intelligence artificielle dans l’ensemble de la culture visuelle, il est nécessaire de repenser le rôle des images et du patrimoine artistique qui ont jusqu’à présent contribué à forger notre sensibilité.
Déjà-Vu est un projet qui consiste à appliquer la technologie des réseaux de neurones génératifs à un jeu de données composé de toutes les œuvres appartenant aux collections des Franciscaines de Deauville. Grâce à un processus d’apprentissage profond, un algorithme GAN (Generative Adversarial Network) détermine les motifs les plus fréquemment répétés dans les collections et devient capable de prédire et créer de nouvelles œuvres dans la continuité plastiques de celles existantes. D’une part, ainsi, les notions « d’artiste », de « conservation » et de « conservateur » sont questionnées : les futurs ajouts d’œuvres dans une collection peuvent désormais être décidés par l’intelligence artificielle. D’autre part, nous avons découvert que, dans ce processus génératif, le plus intéressant sont les erreurs du système lui-même : les tests ratés, les tests intermédiaires, l’inconscient technologique qui surgit à travers des accidents. Nous assistons alors aux collisions entre la force du hasard et l’art de la prédiction. Enfin, nous retrouvons l’ancien paradigme désacralisant de la créativité et de l’art : nous ne pouvons qu’imiter des gestes antérieurs, jamais originaux. Le sens d’une image ne réside pas dans son origine mais dans sa destination. Ainsi, dans une certaine mesure, tout est « déjà-vu ».
Joan Fontcuberta et Pilar Rosado